Un petit tour d'horizon: partie 2

Après des débuts marginaux, le gore s'installe dans le cinéma fantastique mondial à la fin des années 70. Les années 80 seront marquées par une vulgarisation du genre, suite au raz-de-marée de films de psycho-killers engendré par le succés du HALLOWEEN de Carpenter. Cette vulgarisation entraînera par la suite, contre-pied logique à la banalisation, une vague de films ultra-gore, lancée en quelque sorte par le STREET TRASH de Jim Muro. Ce sera alors le début de la fin pour un genre qui décédera de blessures infligées par ses propres excés, le gore ne pouvant plus se payer le luxe d'être une fin en soi. Après le paroxysmique BRAIN DEAD de Peter Jackson, le gore se fera donc de plus en plus rare sur nos écran. Mais avant d'arriver à cette inéluctable conclusion, tentons de retracer les grandes lignes de l'évolution du gore pendant ces deux dernières décennies...



Jason Voorhees, ça vous dit quelque chose? Et si je vous parle de masque de hockey, peut-être que ça va vous raffraîchir la mémoire... Voilà vous y êtes. Jason est le héros/psychokiller de la série des VENDREDI 13, lancée en 1980 sur les traces encore chaudes de Michael Myers par Sean S. Cunningham, producteur de LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, avec le bien nommé VENDREDI 13 (qui a dit que je me répétais??). Jason Voorhees s'est noyé dans le lac (Crystal Lake pour les intimes) d'une colonie de vacances pendant que les moniteurs batifolaient dans leur coin... Quelques années plus tard, un tueur frappe dans la même colonie, éliminant un à un les adolescents coupables de 1)consommation d'alcool, 2)flirt, 3)actes sexuels non protégés, 4)pratique d'auto-stop dans les bois, 5)voyeurisme et surtout, 6)bétise caractérisée (et j'en passe. De toute façon, quoiqu'il arrive, vous serez quand même la victime idéale) - en effet, ça vous viendrait à l'idée d'aller fricoter au beau milieu d'une forêt alors qu'un maniaque s'y ballade en décimanttous vos potes ? Non, je sais, à moi non plus (Comment ça y'aurait pas de film sinon? Ah bon, j'ai rien dit, alors). En fait, il s'avère que le tueur en question est...une tueuse, puisqu'il s'agit de la mère du pauvre bout-de-chou qui repose dans la vase, Dieu ait son âme. Mais bon, ça, c'est un détail, parce que, dans tous les autres films de la série, ce sera bien Jason le tueur, mort, réssucité, mort à nouveau, encore ressucité, tué par un petit garçon... plutôt que d'exposer les trames de toutes les séquelles (ce qui reviendrait à étudier un catalogue d'outillage de chez Castorama), voici leurs titres, dans l'ordre : FRIDAY THE 13TH, PART 2 (1981) de Steve Miner (futur réalisateur d'un WARLOCK très moyen), FRIDAY THE 13TH, PART 3 IN 3D (1982), toujours de notre ami Steve Miner, FRIDAY THE 13TH, THE FINAL CHAPTER (1983) (un titre prometteur), du très grand Joseph Zito (je sais très bien qu'il y en a parmi vous qui ont vu PORTES DISPARUS en salles, alors ne riez pas), FRIDAY THE THIRTEENTH, A NEW BEGINNING (1984) (très astucieux, ça, le nouveau départ) de Danny Steinman, FRIDAY THE THIRTEENTH, JASON LIVES (1986)(pour ceux qui ont perdu le compte, ça fait déja six) de Tom Mc Laughlin, FRIDAY THE THIRTEENTH, THE NEW BLOOD de John Buechler; FRIDAY THE THIRTEENTH, JASON TAKES MANHATTAN (tout un programme), et, enfin, en 1992, THE LAST FRIDAY : JASON GOES TO HELL, d'Adam Marcus, qui aurait pu être très gore, mais qui est un peu trop censuré (mais intéressant tout de même pour ses trentes dernières secondes qui annoncent un Freddy vs Jason que l'on attend toujours...). Et beh, ça fait du bien quand ça s'arrête! Après ce petit bond dans le temps (vous auriez préféré que j'y revienne à chaque nouveau film?), reprenons notre chronologie.
En 1981, William Lustig frappe fort avec un MANIAC poisseux, violent et crade, dont les denières images, particulièrement traumatisantes, restent longtemps gravées dans la mémoire (le même William Lustig refera parler de lui avec son fameux MANIAC COP : "Vous avez le droit de garder le silence...pour toujours".). David Cronenberg nous offre, la même année son SCANNERS, et son lot de têtes et d'yeux qui explosent, et Lucio Fulci réalise un de ses meilleurs films, L'AU DELA, très gore et très très bon.
En 1982, outre un excellent Dario Argento (TENEBRES, sans doute un de ses meilleurs films), nous avons aussi le petit bijou de Sam Raimi, THE EVIL DEAD, à nous mettre sous la dent. Féroce, original et gore à souhait : un film délirant à base de possessions maléfiques en série, avec l'excellent Bruce Campbell. Dans un registre moins connu (et c'est bien dommage), il serait dommage de ne pas signaler la venue de Belial et de son étrange frère jumeau dans le premier BASKET CASE de Frank Henenlotter, cinéaste underground s'il en est.
Nous voici en 1983, et encore avec David Cronenberg, qui met cette fois en scène un James Woods pirate de réseaux de télévision qui capte une chaîne pas très catholique dont le lot quotidien est composé de tortures et sévices en tous genres, en direct. Etrange, fascinant, malsain : le meilleur de Cronenberg est dans VIDEODROME, un véritable chef-d'oeuvre sur le pouvoir de l'image.
Les années 80 n'ont pas connu que Jason, elles ont aussi connu Freddy, croquemitaine tueur d'ados (tiens? En voilà une idée!) par cauchemars interposés, magnifiquement campé par un Robert Englund cabotin et sadique. En 1984 sortent LES GRIFFES DE lA NUIT de Wes Craven (Grand Prix au Festival d'Avoriaz 1985). Très original et très violent, ce film, premier d'une saga qui en compte sept, diffère de ses séquelles par sa noirceur. Oeuvre maîtresse du cinéma d'horreur, elle fera de Wes Craven une star dont le succés ne sera jamais démenti, grâce à des films commeL'EMPRISE DES TENEBRES (1988), SHOCKER (1989, avec notre ami Mitch Pillegi dans un rôle que trop de monde ne connaît pas), LE SOUS-SOL DE LA PEUR (1991), et, enfin, son magnifique SCREAM (1997), qui font oublier certaines erreurs de parcours. Les suites, donc, qui emboitent le pas à l'original, sont de plus ou moins bonne qualité, quoique toujours servies par de remarquables effets gores : le pas bon du tout A NIGHTMARE ON ELM STREET 2 : FREDDY'S REVENGE (1986) de Jack Sholder sera suivi du très bon A NIGHTMARE ON ELM STREET 3 : DREAM WARRIORS (1987) de Chuck Russel (avec Patricia Arquette), auquel succedera A NIGHTMARE ON ELM STREET 4 : THE DREAM MASTER de Renny Harlin, d'un niveau plus qu'honnête, puis A NIGHTMARE ON ELM STREET 5 : THE DREAM CHILD de Stephen Hopkins (tout à fait inégal), qui lui même cedera la place à Rachel Talalay et à son assez mauvais FREDDY'S DEAD : THE FINAL NIGHTMARE, supposé conclure la série. Heureusement, Wes Craven se repenchera sur le mythe pour boucler la série avec les honneurs avec son FREDDY SORT DE LA NUIT (1995), qui n'est pas vraiment gore, mais c'est pas grave.
Revenons en 1985 et à la sortie du REANIMATOR de Stuart Gordon (produit par Brian Yuzna, un futur ami du genre), lui-même producteur de l'excellente comédie gore LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS de Dan O'Bannon, qui sort la même année (nous passerons sous silence le minable RETOUR DES MORTS-VIVANTS 2 de Ken Wiederhorn en attendant de parler de la seconde séquelle de Brian Yuzna).REANIMATOR, donc. Adapté d'une nouvelle de Howard P. Lovecraft particulièrement effrayante, celui-ci met en scène le Docteur Herbert West (Jeffrey Combs, un ami de la famille), spécialiste en réanimation de corps humains (entiers ou en pièces détachées) et de chats. Très gore, porté par un humour grinçant, REANIMATOR s'impose comme un film d'horreur majeur à voir (ou à revoir) absolument. Mais, dites-moi, et nos amis transalpins dans tout ça? Et bien justement, en 1985 sort DEMONS de Lamberto Bava (oui, il s'agit bien du fils de son père). A propos de ce film, dont la première demi-heure est absolument remarquable (des gens viennent assister à une étrange avant-première qui tourne au cauchemar à la Romero, en un peu plus baveux), je vous propose un petit jeu-concours : qui (parmi les gens qui l'ont vu) peut m'expliquer comment, et surtout pourquoi, un hélicoptère traverse le plafond du cinéma en question? Le vainqueur gagnera un lot complet de saucisses Herta (ou le droit d'aller voir DEMONS 2, toujours de Lamberto Bava). Trève de plaisanterie, car 1985 marque aussi la fin de la trilogie de Romero sur les Morts-Vivants : LE JOUR DES MORTS-VIVANTS termine cette trilogie en beauté, sur des maquillages de Tom Savini à tomber par terre (ou à vomir, à vous de voir), et avec un personnage de Mort-Vivant intelligent, le sympathique Bub. On aime.
Nous voici arrivés en 1986 (seulement?), année du retour de Bubba, le fou à la tronçonneuse, qui va tomber amoureux avant de devoir affronter, avec toute sa sympathique famille, un cowboy moderne : Dennis Hopper ayant troqué les colts contre deux petites tronçonneuses afin de venger sa fille morte dans le premier épisode. Il s'agit, bien sûr, de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2, un quasi-remake du premier opus sur un ton plus drôle, sans pour autant être dépourvu de quelques passages relativement malsains et/ou violents. Le second (et dernier) bon film de Hooper (quoique son MANGLER de 1994 ne soit pas si mal que ça). (NB: LEATHERFACE, le troisième opus, n'est pas très fréquentable.)
Comme nous le disions en introduction de la seconde partie de ce "tour d'horizon", le genre fut marqué, dans les années 80, par l'apparition d'une sous-tendance, à savoir l' "ultra-gore", dont le STREET TRASH de Jim Muro est un des premiers représentants. D'une vulgarité incroyable (cf. la séquence avec le sexe tranché, ou encore certains dialogues incroyables de sensualité...), le film vaut pour quelques passages vraiment dégueulasses où le "Viper", une espèce de dissolvant, fait des ravages effroyables. Une nouvelle mode est lancée.
Sam Raimi nous offre en 1987 l'hilarant THE EVIL DEAD 2 : DEAD AT DAWN, qui reprend la même trame que le précédent épisode et offre à l'acteur-masochiste Bruce Campbell son meilleur rôle... Clive Barker, pilier de la littérature fantastique anglaise, réalise son premier film HELLRAISER, d'après son livre "The Hellbound Heart", qui offre au gore une nouvelle figure emblématique : Pinhead (Doug Braxley), pape SM de l'enfer, de ses plaisirs et de ses souffrances, si intimement liés. Très original, c'est une nouvelle pierre à un édifice fantastique qui ne cesse de s'aggrandir. A signaler cette année, la venue de deux personnalités importantes. Tout d'abord, l'italien Michele Soavi, élève de Dario Argento et réalisateur de AQUARIUS/BLOODY BIRD. Ensuite, l'arrivée de Peter Jackson dans ce joli monde avec BAD TASTE, un film ultra-gore décapant et super-cheap, qui deviendra un film culte dans le monde entier.
Tony Randell réalise en 1988 HELLRAISER 2 : LES ECORCHES, un assez bon film avec des passages vraiment sanglants. Mais 88 est surtout l'année du cru Hennenlotter, avec l'arrivée d'un moyen BASKET CASE 2, et des excellents ELMER, LE REMUE MENINGE/BRAIN DAMAGE et FRANKENHOOKER (litérallement "Frankenpute"). Dario Argento tente un retour aux sources avec OPERA, mais ne parvient pas à convaincre, malgré quelques séquences virtuoses.
1989 marque les débuts de la France dans le cinéma gore avec l'étrange BABY BLOOD d'Alain Robak, mais aussi ceux de la Belgique avec RABID GRANNIES d'Emmanuel Kervyn. Tout aussi malsain, Alejandro Jodorowsky nous offre son SANTA SANGRE et son cortège de personnages timbrés. Peter Jackson réalise quant à lui le premier film gore de marionettes de l'histoire avec son MEET THE FEEBLES pas pour les enfants. Enfin, en Allemagne, Jorg Buttgereit frappe très fort avec son NEKROMANTIK et ses scènes d'amour nécrophiles. Gloups....
Nous sommes arrivés en 1990, et, d'ores et déja, le gore se fait de plus en plus discret sur le grand écran, condamné à une existence parallèle en vidéo. Brian Yuzna parvient tout de même à frapper deux fois cette année là avec REANIMATOR 2/THE BRIDE OF REANIMATOR (une suite très divertissante, avec des créatures excellentes) et surtout SOCIETY et sa société d'êtres gluants adeptes de partouzes de la pire espèce. Très gerbos.
Et après? Après, les grands films gore se font de plus en plus rares. L'horreur deviant cérébral, les viscères sont reléguées au hors-champ. Peter Jackson transforme un dernier essai avant de quitter le genre pour un fantastique plus traditionnel (et des films encore meilleurs), en réalisant le film le plus gore de tous les temps avec BRAIN DEAD (Grand Prix du Festival d'Avoriaz 1993), qu'il n'est plus besoin de présenter. Une fois de tels sommets atteints, le genre ne peut que souffrir de la chute. Les sagas continuent, Pinhead en est aujourd'hui à sa quatrième aventure, HELLRAISER : BLOODLINE (1999) d'Allan Smithee, après le très bon HELLRAISER 3 : HELL ON EARTH (1993) d'Anthony Hickox (réalisateur du divertissant WAXWORK), qui succède à Tony Randell qui nous offre le divertissant TICKS (1993). Brian Yuzna reste très présent, avec le seul bon segment du film à sketches NECRONOMICON (1993), une version trash de "Roméo et Juliette", LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 3 (1993) et THE DENTIST (1999). Seuls le superbe DELLAMORTE, DELLAMORE (1994) de Michele Soavi et le très fun UNE NUIT EN ENFER/FROM DUSK TILL DAWN (1995) de Robert Rodriguez atteignent le grand écran chez nous. Heureusement, il existe quelques irreductibles : Jorg Buttgereit avec son NEKROMANTIK 2, Philip Brophy avec son immonde BODY MELT (1994), Jan Kounen avec VIBROBOY et DOBERMANN, qui continuent de braver la censure. Le gore est désormais un marché vidéo, et on désespère de voir sortir des films comme HEMOGLOBIN, KILLER TONGUE ou EVIL ED, quand des films aussi bons que le dernier Argento (le fantastique SYNDROME DE STENDHAL) ou le dernier Clive Barker (LORD OF ILLUSIONS) échouent directement dans les vidéo-clubs. Verrons-nous seulement un jour des morceaux de choix de la Troma comme TROMEO & JULIET, KILLER CONDOM ou LE MARQUIS DE SLIME? Peut-être que le succés de l'excellent SCREAM va convaincre les producteurs de réhabiliter le genre... En espérant que le cinéma gore renaisse de ses cendres pour connaître des jours meilleurs, je vous souhaite de bons moments en la compagnie de ses meilleurs morceaux, en souvenir d'une époque où ils restait encore des limites à repousser, des barrières visuelles à franchir. Bon appétit.


Pour ceux qui auraient raté le début, Un petit tour d'horizon...part 1 : 1963-1979.
Pour ceux qui salivent enfin, Gallerie de photos saignantes....
(Vous pouvez aussi jeter un petit coup d'oeil à une filmographie sélective du genre.)
Tous ceux qui ne figurent dans aucune des deux catégories peuvent toujours allez consulter les films cultes d'Andry ou de Meng...


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